Allongement du congé paternité : ce qui va changer

Le 23 septembre dernier, Emmanuel Macron annonçait officiellement l’allongement du congé paternité. Cette avancée vient s’inscrire dans la continuité du projet des “1000 premiers jours”. Passant de 14 à 28 jours, la France prend des dispositions concrètes en faveur de la parentalité. Encore loin des 9 semaines préconisées par le rapport Cyrulnik, quels changements cette mesure va-t-elle entraîner ?

Le droit des pères aujourd’hui

À l’arrivée d’un bébé, chaque parent prétend à un congé pour accueillir son enfant. Plus développés du côté des mères, nous nous intéressons aujourd’hui aux droits des pères.

Le congé paternité ou “congé paternité et d’accueil d’enfant” a vu le jour seulement en 2002 en France. Il s’inscrit dans les articles L 1225-35 et L 1225-36 du Code du travail. Il a été conçu dans le but de permettre au deuxième parent de prendre part à la vie de l’enfant. La durée du congé paternité est alors fixé à 11 jours. Ce congé peut venir s’ajouter aux 3 jours prévus pour l’accueil d’un nouvel enfant dans le foyer. Les 3 jours sont en réalité des jours d’absence autorisés par le Code du travail. Pour résumer, les pères peuvent prétendre à un total de 14 jours pour la naissance de leur bébé.

Depuis sa création, le congé paternité correspond à un droit et non une obligation. Ce biais a souvent eu pour répercussion d’entraîner des dérives ou des pressions dans certaines entreprises. 

Pascal Van Hoorne, créateur d’Histoires de papas et expert en parentalité témoigne : “En Juin dernier, quelques jours avant la fête des pères, nous avons co-écrit, avec 9 autres papas engagés, une tribune demandant l’augmentation de la durée du congé paternité. Avec cette tribune, nous avons fait un appel à des témoignages de papas. Nous en avons reçu plus de 400 en moins d’une semaine ! Nous les avons analysé et en ressortons des résultats très intéressants. Aujourd’hui, l’accès au congé paternité n’est pas universel et engendre une forte inégalité sociale : 

  • 65% des CSP+ disent avoir réussi à s’organiser pour aller au delà des 11 jours. Et on tombe à 51% pour les CSP-. 
  • Et chez les papas n’ayant pas pu prendre les 11 jours légaux, 32% indiquent que c’est lié à une pression de l’employeur, 27% à une impossibilité financière et 26% à une autocensure professionnelle.

Avec le rapport des 1000 premiers jours, des experts sont venus se pencher sur les modalités de ce congé paternité. 

Pourquoi cette remise en question ?

La remise en question du congé paternité s’inscrit dans une réflexion plus globale autour des 1000 premiers jours de vie. Initiée en 2019, la consultation nationale sur les 1000 premiers jours de vie a permis une mise en lumière des besoins prioritaires des familles. Emmanuel Macron a confié cette mission à Adrien Taquet. Il s’est entouré d’experts de la petite enfance mais aussi de 1000 parents.  

Rapport 1000 premiers jours, qu’est-ce que c’est ?

Le rapport des 1000 premiers jours est une réflexion globale qui a pour but de répondre à 4 axes principaux :

  • L’élaboration d’un consensus scientifique concernant la période des 1000 premiers jours de vie de l’enfant (du quatrième mois de grossesse aux 2 ans de l’enfant);
  • La construction d’un parcours jeune parent pratique ;
  • L’apport d’un éclairage scientifique sur les congés liés à la naissance ;
  • La réflexion autour des modes de garde et du système d’accueil pour les enfants jusqu’à 10 ans.

Ce rapport, construit sur les recommandations de 18 experts dont le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, a été remis le mardi 8 septembre 2020 au secrétaire d’Etat en charge de l’Enfance et des Familles auprès du ministre des Solidarités et de la Santé Adrien Taquet.

Une des recommandations clés de ce rapport concerne justement le congé paternité. Les experts affirment que l’engagement du père avec son enfant, dès le plus jeune âge, peut avoir des effets positifs sur son développement et pas seulement… L’implication du deuxième conjoint après la naissance permet également de développer la coparentalité ! Le conjoint aura alors tendance à plus s’impliquer dans les tâches quotidiennes. Ces premières semaines représentent une période cruciale pour l’organisation du foyer. Pour cette raison, les experts recommandent un congé paternité de 9 semaines

Le congé paternité chez nos voisins Européens

Congé paternité

La France n’est pas un élève-modèle en ce qui concerne le congé paternité. De nombreux pays européens ont compris rapidement l’importance de la présence du deuxième partenaire pendant les premières semaines de vie de l’enfant. 

La Norvège, par exemple, a réussi à augmenter le congé paternité à 15 ou 19 semaines. Cela grâce au quota paternel dans le cadre du congé parental. Ils sont aujourd’hui 71% à prendre ce congé. D’autres pays comme l’Espagne ou la Finlande ont également adopté de nouvelles lois afin d’augmenter la durée du congé paternité.

En observant nos voisins, la France semble être un peu en retard sur la question des congés parentaux. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’un changement est prévu pour Juillet 2021.

Ce que va changer avec le nouveau congé paternité

Les modifications prévues ? Passer le congé paternité de 11 à 25 jours. Ce droit est accordé au père ou au second parent avec l’obligation de prendre au moins 7 jours. Ce changement va venir s’inscrire dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2021 (PLFSS). En effet, si le congé de naissance reste à la charge de l’employeur, les 25 jours de congé paternité, eux, vont être pris en charge par la Sécurité sociale.

Par ailleurs, si la “part obligatoire” n’est pas respectée, une amende de 7 500 euros pourrait être imputée aux employeurs.

Quelles vont être les conséquences de ce changement ?

L’allongement du congé paternité pour le deuxième parent va forcément entraîner un changement sociétal. On peut probablement classer les répercussions en 3 catégories principales : plus d’implication du partenaire dans l’éducation des enfants, la diminution de la charge domestique de la mère qui entraînera un rééquilibrage des tâches familiales et l’augmentation de l’égalité hommes/femmes dans le milieu du travail.

  • L’éducation de l’enfant : L’allongement du congé va permettre au second parent de passer plus de temps, dès la naissance, avec leur bébé. Une plus grande présence est bénéfique à l’enfant et augmente l’implication dans l’éducation dès le plus jeune âge. En plus d’améliorer le bien-être de l’enfant, cela posera des bases plus solides pour la suite de son apprentissage.
  • Le rééquilibrage des tâches : Le gros problème d’un congé paternité court, c’est la charge qui revient à la mère alors qu’elle est fragilisée. En plus de se remettre physiquement et mentalement de son accouchement, d’apporter les soins au bébé, elle assume également une grande partie des tâches d’intendance du domicile et des rendez-vous de suivi médicaux pour le bébé. La présence du deuxième conjoint sur une période étendue va permettre une meilleure répartition des tâches ainsi qu’une remise en forme plus rapide de la mère suite à la naissance de son enfant.
  • La diminution de l’inégalité homme/femme dans le milieu professionnel : De nombreux employeurs peuvent, encore aujourd’hui, associer le recrutement d’une jeune femme à un potentiel futur congé maternité. En plus d’être un frein à l’embauche, c’est au moment de ce congé qu’une fracture professionnelle peut apparaître. D’après un sondage de l’INSEE en 2019, c’est à l’arrivée d’un enfant que les femmes voient reculer leur rémunération de 2%. Avec l’augmentation de la durée du congé paternité, ce genre de réflexion devrait petit à petit s’estomper. La parentalité ne serait plus seulement vue comme un frein dans la carrière des femmes mais comme une étape de vie.

Pascal Van Hoorne confirme : “La décision du gouvernement d’allonger le congé paternité pour le monter à un total de 28 jours est une très bonne nouvelle ! C’est un vrai premier pas fort pour notre pays. Et à mon sens, le congé paternité est un outil symbolique qui va engendrer une véritable évolution culturelle. Mais je pense aussi que le gouvernement doit aller plus loin si nous voulons vraiment impacter sur la parentalité et la place du père. 

Les témoignages que nous avons récoltés en juin dernier nous indiquent les apports du congé paternité plus long pour les papas : des liens renforcés avec le bébé pour 62%, une meilleure convalescence de la maman pour 54%, une transition pour le couple facilité pour 44 % et un partage des tâches plus évident pour 38%.

Comme je le disais, augmenter la durée du congé paternité est un grand pas. Et il doit amorcer pleins d’autres pas : une réforme des congés parentaux, un accompagnement des entreprises à intégrer la parentalité dans leur politique RH et managériale (marque employeur, QVT, …), un accompagnement des parents pour les aider dans leur rôle et dans la construction d’un équilibre de vie pro/perso, …. 

La parentalité est transversale, elle touche plusieurs domaines : le bébé et l’enfant, le couple, l’entreprise, l’égalité Femme / Homme, … Ayons une politique de parentalité ambitieuse ! Prendre soin de nos enfants aujourd’hui, c’est construire les adultes de demain. Et, donc, « investir » sur la parentalité, c’est imaginer une société plus égalitaire, douce et solide dans 10 ou 20 ans…

Évidemment, ces évolutions nécessitent du temps pour émerger. L’allongement de 11 à 25 jours de congé paternité ne représentent qu’un premier pas vers plus d’égalité. Cela représente cependant un beau pas en avant vers une société qui ne mettrait pas en opposition carrière et vie de famille.