Allongement du congé paternité : ce qui change

L’allongement du congé paternité a pris effet le 1er juillet 2021 pour passer de 14 à 28 jours. Tous les papas peuvent désormais bénéficier d’un congé plus long à la naissance de leur enfant afin de passer plus de temps auprès de leur nouveau-né ! Encore loin des 9 semaines préconisées par le rapport Cyrulnik, quels changements cette mesure va-t-elle entraîner ?
Pour y voir plus clair, nous vous avons concocté un article pour afin de répondre à toutes vos questions sur le sujet : Qui peut en bénéficier ? A quelles conditions ? Quelles sont les démarches à suivre ? Quel niveau d’indemnisation pour ce congé allongé ?
Qui peut bénéficier du congé paternité ?
Tout d’abord, il faut savoir que ce n’est pas forcément le « père » de l’enfant qui peut bénéficier de ce congé mais bien le second parent aussi appelé co-parent. Si la mère vit en couple (mariage, pacs ou concubinage) avec une autre personne salariée qui n’est pas le père de l’enfant, cette personne peut également bénéficier du congé paternité et d’accueil.
En cas d’adoption, un congé spécifique appelé congé d’adoption est accessible aux parents.
Les travailleurs indépendants, agriculteurs ou chômeurs, peuvent également bénéficier de l’allongement du congé paternité (source Légifrance).
Le droit des pères aujourd’hui
À l’arrivée d’un bébé, chaque parent prétend à un congé pour accueillir son enfant. Plus développés du côté des mères, nous nous intéressons aujourd’hui aux droits des pères.
Le congé paternité ou “congé paternité et d’accueil d’enfant” a vu le jour seulement en 2002 en France. Il s’inscrit dans les articles L 1225-35 et L 1225-36 du Code du travail. Il a été conçu dans le but de permettre au deuxième parent de prendre part à la vie de l’enfant. La durée du congé paternité est alors fixé à 11 jours. Ce congé peut venir s’ajouter aux 3 jours prévus pour l’accueil d’un nouvel enfant dans le foyer. Les 3 jours sont en réalité des jours d’absence autorisés par le Code du travail. Pour résumer, les pères peuvent prétendre à un total de 14 jours pour la naissance de leur bébé.
Depuis sa création, le congé paternité correspond à un droit et non une obligation. Ce biais a souvent eu pour répercussion d’entraîner des dérives ou des pressions dans certaines entreprises.
Pascal Van Hoorne, créateur d’Histoires de papas et expert en parentalité témoigne : “En Juin 2020, quelques jours avant la fête des pères, nous avons co-écrit, avec 9 autres papas engagés, une tribune demandant l’augmentation de la durée du congé paternité. Avec cette tribune, nous avons fait un appel à des témoignages de papas. Nous en avons reçu plus de 400 en moins d’une semaine ! Nous les avons analysé et en ressortons des résultats très intéressants. Aujourd’hui, l’accès au congé paternité n’est pas universel et engendre une forte inégalité sociale :
- 65% des CSP+ disent avoir réussi à s’organiser pour aller au delà des 11 jours. Et on tombe à 51% pour les CSP-.
- Et chez les papas n’ayant pas pu prendre les 11 jours légaux, 32% indiquent que c’est lié à une pression de l’employeur, 27% à une impossibilité financière et 26% à une autocensure professionnelle.”
Avec le rapport des 1000 premiers jours, des experts sont venus se pencher sur les modalités de ce congé paternité.
Rapport 1000 premiers jours, qu’est-ce que c’est ?
Initiée en 2019, la consultation nationale sur les 1000 premiers jours de vie a permis une mise en lumière des besoins prioritaires des familles. Emmanuel Macron a confié cette mission à Adrien Taquet. Il s’est entouré d’experts de la petite enfance mais aussi de 1000 parents. Le rapport des 1000 premiers jours est une réflexion globale qui a pour but de répondre à 4 axes principaux :
- L’élaboration d’un consensus scientifique concernant la période des 1000 premiers jours de vie de l’enfant (du quatrième mois de grossesse aux 2 ans de l’enfant);
- La construction d’un parcours jeune parent pratique ;
- L’apport d’un éclairage scientifique sur les congés liés à la naissance ;
- La réflexion autour des modes de garde et du système d’accueil pour les enfants jusqu’à 10 ans.
Ce rapport, construit sur les recommandations de 18 experts dont le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, a été remis le mardi 8 septembre 2020 au secrétaire d’Etat en charge de l’Enfance et des Familles auprès du ministre des Solidarités et de la Santé Adrien Taquet.
Une des recommandations clés de ce rapport concerne justement le congé paternité. Les experts affirment que l’engagement du père avec son enfant, dès le plus jeune âge, peut avoir des effets positifs sur son développement et pas seulement… L’implication du deuxième conjoint après la naissance permet également de développer la coparentalité ! Le conjoint aura alors tendance à plus s’impliquer dans les tâches quotidiennes. Ces premières semaines représentent une période cruciale pour l’organisation du foyer. Pour cette raison, les experts recommandent un congé paternité de 9 semaines.
Le congé paternité chez nos voisins Européens
La France n’est pas un élève-modèle en ce qui concerne le congé paternité. De nombreux pays européens ont compris rapidement l’importance de la présence du deuxième partenaire pendant les premières semaines de vie de l’enfant.
La Norvège, par exemple, a réussi à augmenter le congé paternité à 15 ou 19 semaines. Cela grâce au quota paternel dans le cadre du congé parental. Ils sont aujourd’hui 71% à prendre ce congé. D’autres pays comme l’Espagne ou la Finlande ont également adopté de nouvelles lois afin d’augmenter la durée du congé paternité.
En observant nos voisins, la France semble être un peu en retard sur la question des congés parentaux. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’un changement est prévu pour Juillet 2021.
Ce qui va changer avec le nouveau congé paternité
Les modifications prévues ? Passer le congé paternité de 14 à 28 jours. Ce droit est accordé au père ou au second parent avec l’obligation de prendre au moins 7 jours. Ce changement va venir s’inscrire dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2021 (PLFSS). En effet, si le congé de naissance reste à la charge de l’employeur, les 25 jours de congé paternité, eux, vont être pris en charge par la Sécurité sociale.
Par ailleurs, si la “part obligatoire” n’est pas respectée, une amende de 7 500 euros pourrait être imputée aux employeurs.
Les conditions pour bénéficier du nouveau congé paternité
Afin de bénéficier du congé le second parent doit impérativement remplir les conditions suivantes :
- Faire débuter le congé dans un délai de 6 mois suivant la naissance de l’enfant (notamment pour avoir droit à l’indemnisation par la CPAM), mais il peut prendre fin au-delà de ce délai. Le congé s’applique pour les enfants nés à partir du 1er juillet 2021 mais également pour ceux qui sont nés avant le 1er juillet, mais dont la naissance était prévue après cette date.
- Posséder un numéro de sécurité sociale depuis au moins 10 mois à la date du début du congé
- Avoir travaillé au moins 150 heures au cours des 3 mois précédant le début du congé (ou avoir cotisé sur un salaire au moins équivalent à 10 403,75 € au cours des 6 derniers mois précédant le début du congé)
- Cesser toute activité salariée, même en cas de travail pour plusieurs employeurs (en cas de demande de congé chez un employeur et de poursuite de l’activité chez l’autre, la CPAM peut réclamer le remboursement de la somme versée)
Combien de temps dure un congé paternité ?
Ce qui change fondamentalement dans le nouveau texte concerne la durée. En effet, sur ces 28 jours de congé paternité, 7 jours seront obligatoires « immédiatement à la naissance de l’enfant ». Ce congé obligatoire de 7 jours correspond en fait aux 3 jours de congé de naissance (jours ouvrables), suivis donc de 4 jours de congé paternité (calculés en jours calendaires). Cela revient aussi à dire que le congé paternité passe donc de 11 à 25 jours, en plus des trois jours de congé de naissance. Le reste du congé paternité, soit 21 jours, pourra être pris de manière fractionnée « en deux périodes d’une durée minimale de cinq jours chacune« . En cas de naissances multiples, la durée du congé paternité est portée à 32 jours « fractionnable en trois périodes d’au moins cinq jours chacune.
Quelles sont les démarches à suivre ?
Les démarches administratives pour les co-parents ne sont pas aussi fluides que le parcours mis en place pour les mères. Voici la check-list des démarches à réaliser pour bénéficier du congé de paternité. Par ailleurs, certaines entreprises du secteur privé ont pris les devants et ont d’ores et déjà mis en place des congés allongés voire supérieurs et indemnisés à 100% sur la base du salaire.
Les démarches auprès de l’employeur
Afin de bénéficier du congé paternité, la demande doit être adressée par écrit ou oralement auprès de l’employeur au moins un mois avant la date de la naissance prévisionnelle de l’enfant. Il revient de préciser aux Ressources Humaines les dates approximatives de début et de fin de congé.
Les démarches auprès de la Caisse d’assurance maladie
Par la suite, à la naissance de l’enfant, il faudra demander une indemnisation du congé à la caisse d’assurance-maladie en fournissant une copie intégrale de l’acte de naissance de l’enfant ou une copie du livret de famille mis à jour.
Si la mère de l’enfant vit en couple avec une personne salariée qui n’est pas le père de l’enfant, cette personne a également la possibilité de bénéficier d’un congé paternité en fournissant un des documents suivants :
- Un extrait d’acte de mariage
- Une copie du Pacs
- Un certificat de vie commune ou de concubinage de moins d’un an ou une attestation sur l’honneur de vie maritale cosignée par la mère de l’enfant
Dès le début du congé, l’employeur doit également fournir une attestation de salaire à la caisse d’assurance-maladie. C’est sur la base des éléments portés sur cette attestation que les indemnités journalières seront calculées. Ensuite ces indemnités seront versées par quinzaine directement par virement bancaire sur le compte affilié au numéro de sécurité sociale, à l’instar des remboursements de frais de santé.
Les démarches auprès de la mutuelle
Certaines mutuelles prévoient des primes de naissance selon les contrats souscrits. Il convient d’en faire la demande car ce déblocage n’est pas automatique. Afin de percevoir cette prime il faudra fournir un certificat de naissance ou un extrait d’acte de naissance ou du livret de famille.
Indépendant, auto-entrepreneur ou profession libérale : comment ça se passe ?
Les salariés ne sont pas les seuls à pouvoir bénéficier d’un congé paternité : les travailleurs indépendants (artisans, commerçants, chefs d’entreprise, micro-entrepreneurs) et les professions libérales (médecins, notaires, avocats, architectes, pharmaciens…) y ont droit également. Justifier d’au moins 10 mois d’affiliation à la Sécurité Sociale des Indépendants (SSI), est une condition pour percevoir des indemnités journalières (IJ) au titre du congé de paternité. Ils doivent également prévenir leur caisse d’assurance maladie obligatoire après la naissance de l’enfant (SSI).
Quel niveau d’indemnisation pour ce congé allongé ?
Suite à une étude, il apparaît que peu de conjoints prennent le congé de naissance auquel ils auraient droit. La raison étant principalement financière. En effet, le constat est que malgré les nombreux bénéfices humains de la présence du second parent dans les 1ers mois de l’enfant, la réalité économique rattrape souvent les foyers. Alors quel niveau d’indemnisation prévoit ce congé allongé ?
Afin d’être indemnisée, la personne concernée par le congé doit remplir toutes les conditions énoncées précédemment. Le bénéficiaire du congé est rémunéré par la CPAM (Caisse Primaire d’Assurance Maladie), qui lui verse des indemnités journalières (IJ) tous les 14 jours.
Le montant est fixé selon les étapes de calcul suivantes :
- Calcul du salaire journalier de base : somme des 3 derniers salaires bruts perçus avant la date d’interruption du travail, divisé par 91,25
- Montant maximal du salaire journalier de base : le salaire pris en compte ne peut pas dépasser le plafond mensuel de la sécurité sociale en vigueur lors du dernier jour du mois qui précède l’arrêt (soit 3 428 € par mois en 2020, ou 3 428 € en 2019)
- Taux forfaitaire appliqué par la CPAM : la CPAM retire à ce salaire journalier de base un taux forfaitaire de 21%
- Montant minimal et montant maximal des IJ : le montant ne peut pas être inférieur à 9,66 € ni supérieur à 89,03 € par jour
Cet allongement s’inscrit dans la démarche d’amélioration de la prise en charge de la parentalité en France initiée par les 1000 Premiers Jours. Il rejoint et généralise le Parental Act initié par de nombreuses entreprises engagées pour une parentalité bienveillante et un meilleur équilibre des temps. Ce congé permettra au second parent de soutenir la maman et de tisser un lien avec son nouveau-né. Par ailleurs ce temps en famille peut être mis à profit dans la définition de la nouvelle organisation familiale. Ce moment est idéal pour initier la recherche d’un mode de garde par exemple. Pour les parents en recherche d’une place en crèche l’équipe de Choisir Ma Crèche propose un accompagnement gratuit. Inscrivez-vous via notre formulaire, notre équipe vous recontacte sous 24h.
Quelles vont être les conséquences de ce changement ?
L’allongement du congé paternité pour le deuxième parent va forcément entraîner un changement sociétal. On peut probablement classer les répercussions en 3 catégories principales : plus d’implication du partenaire dans l’éducation des enfants, la diminution de la charge domestique de la mère qui entraînera un rééquilibrage des tâches familiales et l’augmentation de l’égalité hommes/femmes dans le milieu du travail.
- L’éducation de l’enfant : L’allongement du congé va permettre au second parent de passer plus de temps, dès la naissance, avec leur bébé. Une plus grande présence est bénéfique à l’enfant et augmente l’implication dans l’éducation dès le plus jeune âge. En plus d’améliorer le bien-être de l’enfant, cela posera des bases plus solides pour la suite de son apprentissage.
- Le rééquilibrage des tâches : Le gros problème d’un congé paternité court, c’est la charge qui revient à la mère alors qu’elle est fragilisée. En plus de se remettre physiquement et mentalement de son accouchement, d’apporter les soins au bébé, elle assume également une grande partie des tâches d’intendance du domicile et des rendez-vous de suivi médicaux pour le bébé. La présence du deuxième conjoint sur une période étendue va permettre une meilleure répartition des tâches ainsi qu’une remise en forme plus rapide de la mère suite à la naissance de son enfant.
- La diminution de l’inégalité homme/femme dans le milieu professionnel : De nombreux employeurs peuvent, encore aujourd’hui, associer le recrutement d’une jeune femme à un potentiel futur congé maternité. En plus d’être un frein à l’embauche, c’est au moment de ce congé qu’une fracture professionnelle peut apparaître. D’après un sondage de l’INSEE en 2019, c’est à l’arrivée d’un enfant que les femmes voient reculer leur rémunération de 2%. Avec l’augmentation de la durée du congé paternité, ce genre de réflexion devrait petit à petit s’estomper. La parentalité ne serait plus seulement vue comme un frein dans la carrière des femmes mais comme une étape de vie.
Évidemment, ces évolutions nécessitent du temps pour émerger. L’allongement de 11 à 25 jours de congé paternité ne représentent qu’un premier pas vers plus d’égalité. Cela représente cependant un beau pas en avant vers une société qui ne mettrait pas en opposition carrière et vie de famille.