Congé paternité : quel bilan après la réforme sur son allongement ?

En juillet 2021, la réforme pour l’allongement du congé paternité était mise en place. En France, depuis un an le second parent peut bénéficier de 28 jours de congé de naissance contre 14 jours auparavant.

Le congé paternel en quelques chiffres

Dans ce cadre de ce congé parent allongé il est prévu une période de sept jours obligatoires. L’objectif est d’inciter les jeunes pères à utiliser ce congé de naissance pour contribuer à la répartition des tâches familiales et à la présence nécessaire de la figure du père au cours des 1000 premiers jours de vie de l’enfant. Pourtant, malgré cette période doublée, nous n’avons pas assisté à un recours massif de ce droit suite à l’entrée en vigueur de la réforme. En moyenne 3 pères sur 10 n’ont pas recours au congé de naissance auquel ils ont droit. Les disparités liées au statut professionnel :

  • La très large majorité des pères en CDI (87 %) recourent au moins partiellement au congé de paternité.
  • ¼ des pères qui étaient demandeurs d’emploi indemnisés à la naissance de leur dernier enfant ont utilisé tout ou partie des 11 jours
  • Les contrats courts et discontinus (contrat à durée déterminée, intérimaires, vacataires, emplois aidés, etc.) sont 65 % à avoir exercé leur droit au congé. Parmi eux seul 1 père sur 2 l’a utilisé en totalité
  • Quant aux travailleurs indépendants : ils sont 1/3 à avoir recouru au congé de paternité

Les études menées auprès des pays voisins indiquent que les congés les plus propices à favoriser l’investissement des hommes dans les tâches parentales et domestiques sont ceux rémunérés, réservés aux pères, de plusieurs mois et utilisés en partie en dehors du congé de la mère. La réforme française de 2021 devra très certainement être ajustée pour atteindre l’objectif d’égalité qu’elle ambitionnait depuis 2015.

Une méconnaissance des démarches

Le taux de recours au congé paternel n’a quasiment pas augmenté malgré une réforme incitative. Pourtant, le congé paternité est un droit au congé de naissance pour tous les pères quelle que soit leur situation professionnelle en CDI, CDD, travailleurs indépendants, demandeur d’emploi. Cependant de congé est indemnisé par la sécurité sociale. Pour y avoir recours, il est nécessaire de respecter plusieurs étapes et de transmettre certaines pièces indispensables au calcul des indemnités journalières. Dans certains cas, le non-recours au congé paternité s’explique par une méconnaissance de ses droits. Pour d’autres à une incertitude liée à la précarité de son organisation comme c’est le cas pour une personne en CDD, les indépendants, les professions libérales ou les intérimaires dont les périodes travaillées sont fluctuantes. Il a été prouvé que l’ancienneté entre également en compte dans la prise de décision. Le recours au congé paternité pour un salarié de moins d’un an d’ancienneté est 3 fois plus faible qu’un collègue avec deux ans d’ancienneté. Cette chute s’explique par la peur de répercussions négatives sur sa carrière.

Les revenus pèsent dans la décision du congé paternité

Le travail d’Alix Sponton via son étude du Cereq nous apporte un éclairage quant à l’impact primordial sur les finances du foyer. Nous observons très clairement que cela concerne deux catégories, les revenus très faibles et les très hauts revenus. Pour les pères salariés, les indemnités journalières sont calculées sur la base des salaires des trois derniers mois, auxquels un taux forfaitaire de 21 % est retiré. Le montant de de l’indemnité journalière versée pendant le congé de paternité est plafonné à un maximum de 89,03 € par jour. Pour les indépendants, le montant chute aux alentours de 54€ d’indemnisation. La notion de perte de salaire est un frein assez fort à la prise du congé second parent. En effet en cumulé le foyer subit une perte de revenu conséquent du fait de la faible indemnisation du congé maternité et paternité soit une double pénalité financière. Pour les revenus plus modestes, la précarité financière est un facteur décourageant tout autant que pour les hauts revenus dont l’indemnisation étant plafonnée ne couvrira pas le manque à gagner de la période non travaillée. C’est dans la tranche des 2500 à 2899€ des revenus que le recours au congé paternité atteint un pic considérable à 98%. Pour cette catégorie, aucune hésitation, l’indemnisation couvre la quasi-totalité de leur salaire.

La politique parentalité de l’entreprise

L’employeur a donc un rôle important à jouer dans l’équation de la parentalité. On observe que selon la taille de l’entreprise les accords sociaux vont plus ou moins inciter les pères à honorer leur droit. La culture d’entreprise est un atout fort s’il est d’usage de valoriser l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle. De plus en plus d’entreprises déploient des politiques parentalité avec des actions de soutien concrètes en voici quelques exemples :

  • Le maintien de salaire à taux plein durant la période du congé paternité
  • L’allongement de la période légale
  • Les 3 à 5 jours de congés enfants malades
  • La flexibilité des horaires et le télétravail
  • La réservation de places en crèches

Autant d’éléments qui visent à faire bouger les lignes en profondeur au sein d’organisations encore très souvent attachées au présentéisme et réfractaires à la flexibilité. La marque employeur se retrouve enrichie et la médiatisation de ces engagements permet d’accroitre la visibilité et l’attractivité de l’entreprise. Le chemin est encore long pour faire évoluer les mentalités et faire comprendre au plus grand nombre que la présence du père pendant les premiers jours de son nouveau-né est tout aussi importante que celle de la mère. Il est donc primordial que des efforts et des solutions concrètes soient collectivement et massivement démocratisées afin d’harmoniser et de généraliser sans exception le recours au congé paternité.