Equité salariale : comment passer de l’intention à l’action

L’équité salariale vise à rémunérer chaque collaborateur à sa juste valeur. Elle se distingue du concept d’égalité salariale qui viserait à rémunérer l’ensemble des collaborateurs de manière égale. Dès lors, l’équité salariale implique que deux collaborateurs accomplissant un travail de valeur égale, perçoivent un salaire égal, sans distinction de genre, d’âge, d’origine ou d’autres critères discriminants.
Malgré des avancées notables ces dernières années, les écarts de rémunération liés à des discriminations systémiques subsistent, en particulier entre les hommes et les femmes : en France, à temps de travail équivalent, les femmes gagnent encore en moyenne 14,9 % de moins que les hommes (INSEE, 2022). Cet écart révèle à la fois des différences persistantes de salaire à poste égal, ainsi qu’un accès encore limité des femmes aux postes à haute responsabilité. Cette réalité souligne l’urgence d’une action concertée pour transformer les intentions en résultats tangibles.
Le Cadre légal en France : où en est-on ?
L’Index égalité H/F : Un outil pour mesurer les écarts
Depuis 2018, la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » impose aux entreprises de 50 salariés ou plus de calculer et publier chaque année leur Index d’égalité professionnelle. Cet indicateur, noté sur 100 points, évalue plusieurs critères, notamment les écarts de rémunération et les augmentations individuelles.
En 2025, la note moyenne obtenue par les entreprises françaises est de 88,5/100, en légère progression par rapport à 2024. Toutefois, ce résultat ne reflète qu’une partie de la réalité, car l’Index se concentre essentiellement sur le salaire de base, excluant ainsi d’autres éléments comme les primes ou le temps partiel,qui sont souvent à l’origine d’inégalités. De plus, l’Index ne concerne que les entreprises d’une certaine taille, ce qui laisse en dehors de son analyse une partie importante du tissu économique français. Ces limites peuvent donc conduire à surestimer la réelle équité salariale dans les entreprises.
La Loi rixain : Vers plus de femmes dans les instances dirigeantes
La loi Rixain, adoptée en 2021, vise à augmenter la présence des femmes au sein des équipes dirigeantes des grandes entreprises. Elle fixe des objectifs progressifs de représentation équilibrée pour les entreprises de plus de 1000 salariés, incitant ces dernières à adapter leurs pratiques afin d’assurer une rémunération juste pour des responsabilités équivalentes.
Malgré les progrès réalisés, seuls 27 % des entreprises concernées ont déjà atteint l’objectif de 40 % de femmes dans leurs instances dirigeantes. À l’inverse, 64 % n’ont pas encore franchi ce seuil. Ces chiffres montrent que, même si des améliorations existent, des efforts restent encore à fournir pour parvenir à une véritable équité.
La Directive européenne 2023 : Ce qui va changer d’ici 2026
L’Union européenne a renforcé son engagement envers l’équité salariale en avril 2023 en adoptant une nouvelle directive sur la transparence des salaires, qui devra être intégrée au droit français avant 2026. Cette directive introduit plusieurs mesures qui visent à rendre les pratiques salariales plus transparentes et équitables dans les entreprises.
Dans ce cas, les entreprises devront désormais indiquer clairement les fourchettes salariales dès l’offre d’emploi. Par ailleurs, les salariés auront le droit de demander des informations sur les écarts salariaux au sein de leur entreprise, facilitant ainsi la détection de disparités injustifiées et la mise en œuvre d’ajustements salariaux.
Les freins à l’équité salariale : pourquoi est-il difficile d’agir ?
Les biais inconscients : un obstacle discret à l’équité
Nous sommes toutes et tous sujets à des biais inconscients dans notre environnement professionnel, ce qui peut conditionner des pratiques RH inéquitables. Ces préjugés peuvent notamment orienter les choix de recrutement, les décisions de promotion ou les évaluations de performance, contribuant ainsi aux inégalités salariales.
Mais alors comment combattre quelque chose qu’on ne voit pas ? Tout commence par une prise de conscience via la sensibilisation des équipes RH et des managers à leur existence. Il est par ailleurs primordial de définir des critères objectifs sur lesquels baser la rémunération, par exemple sur l’ancienneté, les compétences ou la performance des collaborateurs, pour contourner les biais.
La résistance au changement : un défi culturel et organisationnel
Le chemin vers l’équité salariale est souvent complexe à cause des habitudes bien ancrées et des inquiétudes concernant le coût ou la compétitivité de l’entreprise. Pour progresser, il est nécessaire d’adopter une approche structurée et stratégique.
La première action consiste à démontrer clairement aux dirigeants les bénéfices de l’équité salariale. Ainsi, impliquer activement toutes les parties prenantes facilite l’appropriation collective des changements. Enfin, communiquer de manière transparente sur les objectifs et les résultats attendus permet d’atténuer les craintes éventuelles et de favoriser l’adhésion interne.
Ces démarches portent leurs fruits : en moyenne, les entreprises qui mettent en œuvre des programmes de sensibilisation et de formation sur ce sujet constatent une augmentation de 35 % de la diversité au sein de leurs équipes. Cela montre clairement que l’équité salariale est atteignable, mais aussi bénéfique pour l’ensemble de l’organisation.
Passer à l’action: 5 étapes clés vers l’équité salariale
Réaliser un audit des écarts de rémunération
La première étape vers l’équité salariale est d’effectuer un audit des rémunérations. Cette phase d’analyse des pratiques internes va permettre aux entreprises d’avoir une vision précise de leurs pratiques salariales, d’identifier les points à améliorer et d’ajuster la politique salariale selon les réalités économiques internes et du marché. C’est un outil essentiel pour garantir une rémunération juste entre les différents profils et métiers de l’organisation.
Intégrer des fourchettes salariales dans les processus RH
La transparence en matière de rémunération devient incontournable. Intégrer des fourchettes salariales clairement définies dans les processus RH permet aux entreprises de garantir des rémunérations équitables pour des postes comparables, d’éviter les écarts liés aux négociations individuelles et de s’aligner sur les standards du marché. Cette démarche favorise un environnement sain et de confiance au sein des équipes.
Former les managers et les RH
La formation joue un rôle clé pour lutter contre les biais et permet encore d’assurer une gestion équitable des rémunérations. Les managers et les professionnels RH doivent maîtriser la grille salariale de leur entreprise ainsi que les principes d’équité associés. Ils doivent également acquérir des compétences en communication sur les rémunérations, en étant capables de justifier clairement leurs décisions auprès des collaborateurs. Cette étape permettra de renforcer la confiance en interne.
Négocier des accords avec les partenaires sociaux
La négociation collective constitue un levier important pour faire évoluer les pratiques salariales. Dans les entreprises où un délégué syndical est présent, ces négociations doivent avoir lieu au minimum tous les quatre ans. Elles couvrent non seulement les salaires de base, mais aussi l’organisation du temps de travail, l’intéressement, la participation et l’épargne salariale… Ces discussions doivent inclure des mesures pour réduire les écarts de rémunération non justifiés.
Mettre en place un suivi régulier
L’équité salariale ne s’obtient pas en une seule fois : c’est un processus continu. Un suivi régulier est donc essentiel pour vérifier l’efficacité des actions mises en place. Cela inclut notamment les calculs et reportings exigés par la directive européenne, l’identification précise des éléments de rémunération à surveiller, ainsi qu’une analyse régulière des écarts constatés. Enfin, des outils d’écoute et de mesure des résultats sur la diversité doivent être instaurés pour assurer une amélioration durable.
Le rôle central des femmes dans la gestion des enfants a un impact significatif sur leur qualité de vie au travail, leur trajectoire de carrière – et donc leur rémunération. Par exemple, après la naissance d’un enfant, la probabilité pour une femme de passer à temps partiel s’accroît considérablement (+31 points), contrastant avec celle observée chez les hommes (+3 points). Cette réalité freine leur progression professionnelle et exacerbe les inégalités salariales. Pour atténuer cette tendance, les entreprises peuvent jouer un rôle crucial. Comment ? En proposant des politiques de soutien à la parentalité, notamment via des solutions de garde comme les crèches d’entreprise, les chèques CESU ou la réservation de places en crèches inter-entreprises. Cette dernière option peut être facilitée par des intermédiaires comme Choisir Ma Crèche. À la clé : une gestion simplifiée des contrats et un accès à une grande diversité de crèches, tout en bénéficiant quand même du crédit impôt famille (CIF).
Les bonnes pratiques des entreprises engagées
Sanofi : Un engagement concret pour l’équité salariale
Sanofi, qui obtient un score de 99/100 à l’Index d’égalité professionnelle femmes-hommes en 2024, met en œuvre plusieurs mesures pour assurer une rémunération équitable au sein de ses équipes.
L’entreprise réalise régulièrement des audits afin d’identifier et corriger d’éventuels écarts de rémunération non justifiés. Ces contrôles permettent de garantir une vigilance permanente sur la question de l’équité salariale. Par ailleurs, Sanofi veille à l’équité dans ses politiques de recrutement, en assurant des conditions identiques aux femmes et aux hommes ayant les mêmes qualifications et expériences professionnelles.
Pour soutenir cette démarche, des formations spécifiques sont proposées aux managers et aux équipes RH pour les sensibiliser aux biais inconscients. Ces actions contribuent à avoir un bon environnement au sein de l’entreprise.
Sanofi a également fixé des objectifs précis en matière de parité, visant à augmenter la part de femmes parmi ses cadres dirigeants d’ici 2025. Cet engagement lui a valu une reconnaissance internationale en tant qu’entreprise exemplaire sur le sujet de l’égalité professionnelle.
Pour Sanofi, l’équité salariale ne se limite pas au respect des obligations légales, mais constitue une démarche stratégique bénéfique pour toute l’organisation.
Frans Bonhomme : pionnier dans le secteur du BTP
Frans Bonhomme, le grand distributeur de matériaux de construction en France, obtient un score de 96/100 à l’Index d’égalité femmes-hommes en 2024. Un engagement notable dans un secteur traditionnellement très masculin.
L’entreprise se démarque par ses actions en faveur de l’égalité professionnelle dans un milieu où les femmes restent encore minoritaires. Alors qu’en 2018, les femmes représentaient seulement 12 % des effectifs dans le secteur du bâtiment, Frans Bonhomme atteint aujourd’hui près de 19 %, témoignant d’une volonté claire de diversifier ses équipes.
Afin d’assurer cette équité, l’entreprise réalise régulièrement des audits pour détecter et corriger les écarts salariaux injustifiés. Elle pratique une politique d’augmentations individuelles basée sur le mérite, sans distinction de genre. Une attention particulière est portée aux augmentations lors du retour de congé maternité, critère sur lequel elle obtient un excellent résultat.
Frans Bonhomme collabore activement avec des cabinets de recrutement spécialisés dans le but d’attirer des profils variés et renforcer la mixité au sein du secteur. Elle affiche également une parité importante dans ses plus hautes rémunérations, un résultat significatif dans un secteur où les postes de direction restent majoritairement occupés par des hommes.
Les Sanctions et risques en cas de non-respect
L’équité salariale ne relève pas uniquement de l’éthique : c’est une obligation légale qui entraîne des conséquences concrètes pour les entreprises qui ne s’y conforment pas. Voici ce qui attend les retardataires:
Amendes et pénalités
Les écarts de rémunération infondés pourront prochainement être sanctionnés lorsque la directive européenne sur la transparence des salaires sera transposée en droit français. Elles pourront varier en fonction de la gravité de l’infraction. Actuellement, le défaut de publication de l’index d’égalité professionnelle peut entraîner une pénalité pouvant atteindre 1% de la masse salariale annuelle.
Inversion de la charge de la preuve
Cette nouvelle directive européenne prévoit un renversement de la charge de la preuve, ce sera désormais à l’employeur de démontrer l’absence de discrimination salariale en cas de litige. Cette disposition facilitera les recours des salariés et augmentera le risque juridique pour les entreprises.
Risques liés à l’attractivité
Bien que non directement liées aux sanctions légales, les entreprises non conformes s’exposent à des risques d’image et de réputation. Le manque de transparence salariale peut impacter défavorablement la marque employeur des entreprises, et ainsi complexifier leur capacité à attirer et à fidéliser les talents.
Exclusion des appels d’offres
Enfin, la transposition de la directive européenne pourrait également prévoir l’exclusion des appels d’offres publics pour les entreprises en infraction. Il est important de noter les détails spécifiques des sanctions pourraient évoluer lors de cette transposition en droit national.
Il est clair que l’équité salariale est bien plus qu’une question de conformité réglementaire.. C’est une occasion pour les entreprises de clarifier leur proposition de valeur vis-à-vis de leurs collaborateurs, d’attirer, de fidéliser et d’engager leurs équipes. L’équité salariale permet de bâtir une culture d’entreprise saine et d’instaurer un climat de confiance entre la direction et les collaborateurs.
Investir aujourd’hui dans l’équité salariale, c’est investir dans l’avenir même de l’entreprise. C’est reconnaître que la valeur d’une entreprise réside avant tout dans la valeur des personnes qui la composent, et que leur contribution doit être reconnue et récompensée de manière juste et transparente. En agissant aujourd’hui, les entreprises peuvent non seulement se conformer aux exigences de demain, mais aussi construire les fondations d’une organisation plus pérenne, motivante et performante.
Article proposé par La Ressource Humaine