Les neurosciences et le développement de l’enfant

Le concept de neurosciences prend sa source dans le courant des années 70. Elles regroupent l’ensemble des sciences nécessaires à l’étude de l’anatomie et du fonctionnement du système nerveux, et plus précisément du cerveau. De nombreuses avancées ont été faites dans ce domaine, et plus particulièrement dans le fonctionnement du cerveau des enfants. Au cours des 50 dernières années, nous avons appris que le cerveau de l’enfant est très immature et fragile, et qu’il convient de le stimuler pour le développer. Et le rôle des adultes est prépondérant dans ce développement. Que ce soit au niveau des compétences émotionnelles, cognitives ou comportementales, l’adulte, qu’il soit le parent, un professionnel de la petite enfance, agit comme un référent et un modèle auprès de l’enfant, et c’est ce qui détermine le caractère et la personnalité du futur adulte qu’il deviendra.

Le fonctionnement du cerveau de l’enfant

Le cerveau humain est composé de trois parties distinctes : le cerveau reptilien ou archaïque, le cerveau limbique, ou émotionnel, et le néocortex, ou cerveau supérieur. Un enfant lui, est dominé par son cerveau reptilien et limbique jusqu’à ses 5 ans environ. Ces deux parties du cerveau contrôlent nos instincts primaires, nous permettent de ressentir les émotions et de mémoriser. Ce n’est que passé cet âge clé des 5-6 ans que le néocortex commence à intervenir : siège du raisonnement, intervenant dans les fonctions cognitives supérieures telles que la conscience, l’imagination, la réflexion ou encore le langage. De ce fait, dans ses premières années, l’enfant ressent des tempêtes émotionnelles. Toutes ses émotions sont très intenses car il n’a aucun moyen de les canaliser. C’est pourquoi il est sujet aux colères, aux angoisses, aux gros chagrins…

Pendant ses cinq premières années de vie, le cerveau de l’enfant va connecter entre eux les quelques 100 milliards de neurones déjà présents avant la naissance, au grès des nouvelles informations perçues. L’adulte a un rôle déterminant dans la création de ces connexions. En effet, par le jeu, par la stimulation, par l’encouragement, la compréhension de l’enfant, chaque adulte aide un peu plus l’enfant à se développer, à comprendre le monde qui l’entoure et à s’y adapter.

Le développement des émotions de l’enfant

Le développement des émotions est un facteur clé de l’apprentissage de l’enfant : certaines conditions doivent être réunies pour qu’il soit optimal. Le besoin de sécurité est l’un des besoins les plus naturels et fondamentaux pour les enfants. C’est même, selon de nombreux psychologues et chercheurs en psychologie, le besoin qui englobe tous les autres : les besoins physiologiques et de santé, le besoin de protection et le besoin affectif et relationnel. En effet, selon la théorie de l’attachement de Bowlby, la qualité des interactions entre l’adulte et l’enfant est la base du développement de l’attachement. L’adulte, pour assurer un bon développement de l’enfant, se doit d’avoir deux qualités : la sensibilité à ses besoins et la capacité d’y répondre de façon appropriée. Ce n’est qu’après avoir montré à l’enfant qu’il possédait ses deux qualités que l’enfant se sentira en confiance et pourra partir à la découverte de son environnement, aller vers d’autres personnes et ainsi développer davantage d’habiletés sociales.

L’adulte a donc une grande part dans le développement des émotions des enfants. Voyons à présent comment il peut l’accompagner dans cette découverte.

Le rôle de l’adulte dans le développement de l’enfant

Le rôle de l’adulte dans la construction de la personnalité des enfants est clé. Les tout-petits expriment leurs émotions sans filtre, sans tabou, sans arrière-pensée. Que ce soient les parents, la famille proche ou les professionnels de la petite enfance qui s’occupent d’eux, tous sont un véritable pilier sur lequel les enfants se construisent. Entre réception et compréhension des émotions, les adultes et les enfants forment une équipe qui n’a qu’un seul objectif : développer la confiance de l’enfant en lui-même et en les autres.

Apprendre à comprendre l’enfant

Avant toute chose, les émotions sont des réflexes de survie et de protection. Elles jouent un rôle majeur en termes de communication, puisqu’elles expriment nos besoins. Par exemple, chez les petits, les pleurs expriment une revendication. Que ce soit en réponse à la peur ou encore à la colère, son émotion se manifeste comme un besoin de reconnaissance de la part de l’adulte en qui il a confiance, afin de se protéger d’une menace réelle ou imaginée, ou encore d’une frustration. Un bébé ou un enfant qui ne parle pas encore exprime ses émotions comme il ressent un état : comme le disait Winicott, “le bébé seul n’existe pas”, il existe grâce aux réponses que lui donne l’adulte. La compréhension des émotions de l’enfant passe également par la réception de celles-ci : l’adulte va leur donner un sens, par le biais de ses réactions, et de son appareil psychique tout entier. Le fait de faire preuve d’empathie, de montrer à l’enfant qu’il est écouté, que l’on est disponible et attentif à ses besoins participe aussi à la construction de son estime de soi. La réaction aux émotions est elle-aussi à ne pas négliger. En effet, le fait d’accepter les émotions des enfants est parfois difficile, mais il est important qu’ils comprennent qu’elles sont légitimes.

Apprendre à accepter les émotions des enfants

Ce sont parfois des réflexions qui nous semblent banales mais elles peuvent concourir à ce que les enfants cessent d’exprimer leurs émotions. “Ce n’est pas si grave”, “Ne pleure pas”, “Sois courageux” sont des phrases utilisées par bon nombre d’adultes pour tenter de soulager le mécontentement ou la souffrance des enfants. Bien loin de l’effet escompté, ces phrases anodines peuvent amener l’enfant à se persuader que ses émotions ne sont pas légitimes. Ce silence peut avoir un impact dangereux pour leur développement psychologique et social : en réprimant leurs émotions, les enfants risquent de ne jamais être capable de gérer le langage émotionnel. D’autre part, le soulagement émotionnel chez les enfants est primordial. Évacuer une colère, un sentiment de tristesse, une frustration guérit et aide à se comprendre, et ainsi ne pas être prisonnier de ses émotions.  En écoutant aujourd’hui les enfants et en leur donnant les moyens d’exprimer leurs émotions quelles qu’elles soient, ce sont aux adultes de demain que nous rendons service.

Catherine Gueguen, pédiatre et auteure de livres sur des thématiques traitant de l’enfance et de la bienveillance l’affirme : il faut repenser l’éducation, en mettant les émotions et les relations aux autres au centre. C’est au cours d’une conférence du même nom qu’elle aborde le sujet des neurosciences affectives, en opposition aux neurosciences collectives. Pour en savoir plus, découvrez cet article, Catherine Gueguen, « Et si on changeait le regard sur l’enfant ? ».