L’éloge de l’ennui chez l’enfant en crèche

Et si l’on apprenait dès le plus jeune âge à s’ennuyer, à ne rien faire pour être simplement bien dans l’instant présent. Face à l’émergence des smartphones, des réseaux sociaux et autres applications qui infligent à notre cerveau une stimulation constante, nous sommes sans cesse occupé et nous n’avons plus l’habitude de ne rien faire, nous nous sentons vivant à l’idée d’ingurgiter des tonnes d’informations. Or cette sur-information peut entrainer une très grande fatigue sur le système nerveux et une baisse d’énergie globale. Les professeurs des écoles ont de plus en plus de difficultés à capter l’attention des enfants alors comment retrouver leur écoute ? Si la solution était d’inculquer aux enfants dès l’arrivée en crèche à se détendre, à apprécier les moments de vide et à prendre conscience de l’instant présent pour être plus concentré ?

Les Ateliers « Rien »

A Genève, plusieurs crèches prônent des moments sans activité ni matériel à disposition avec les petits accueillis. Cette tendance a été développée par Cécile Borel, directrice adjointe d’une crèche genevoise, et a intitulé ces instants les ateliers « Rien ». Elle propose aux enfants à partir de 1 an une période de jeux différente de la normale : dans une salle totalement vide, elle et son équipe accueillent les enfants sans meuble, sans jouet ou matière à toucher. Les enfants ont d’abord des réactions de surprises face à cet espace nu, eux qui ont l’habitude d’avoir une montagne de jeux à leur disposition. Ils commencent alors par crier et courir dans tous les sens pour se défouler puis viennent les moments où les enfants dialoguent entre eux, beaucoup plus que s’ils entreprenaient un jeu.

Une expérience fructueuse pour les enfants introvertis

Les enfants qui ont par habitude d’avoir un caractère timide sont, durant ces sessions, bien plus à l’aise dans l’espace. Tandis que les leaders, habitués aux environnements de jeux et de compétition, sont quelques peu perplexes et ont tendance à se positionner en retrait ou à se tourner vers le personnel de crèche. Certains enfants éprouvent donc des difficultés à stimuler leur imagination et ont besoin d’être occupé à longueur de journée. Dans ce genre d’expérience, ils n’auront plus le choix d’inventer leur monde, d’échanger avec les autres ou de réfléchir sur eux-mêmes car ils n’auront absolument plus que ça à faire. Ils développeront au fil des séances leur imagination, deviendront plus autonomes et tisseront des liens plus robustes avec leurs pairs. Ces ateliers facilitent également la mixité entre les filles et les garçons, puisqu’aucun jeu diffère selon le genre où même l’âge, tout le monde se ressemble et forme une équipe.

Un moment de cohésion pour petits et grands

En n’ayant aucune stimulation, l’enfant apprend à se débrouiller, à chercher une solution seul, et à entrer en relation avec l’autre. Par ailleurs, lors de moments conflictuels, les professionnels de crèches sont invités à prendre de la distance en n’intervenant pas de suite afin de laisser les petits trouver le consensus par leurs propres moyens. En agissant ainsi, les enfants finissent par gagner en confiance et seront beaucoup moins enclin à entrer dans un processus de harcèlement scolaire. Découvrez nos conseils pour apaiser les conflits en crèche et résoudre les comportements de harcèlement.

Ces ateliers sont également sains pour les professionnels car eux aussi doivent redoubler d’ingéniosité pour aider les enfants à s’occuper. Ils sont encore plus disponibles pour être à l’écoute de chacun et peuvent plus facilement repérer les traits de caractères, les besoins ou les peurs de l’enfant.  Ils apprennent ainsi à être disponibles tout en étant en retrait, afin de laisser aux enfants la liberté de penser et choisir ce que bon leur semble. Il reste toutefois primordial de garder une autorité et de bien répéter des consignes : pas de cris intempestifs, de bagarres ou autres mouvements brusques dans l’espace.

Vers une diminution des jouets à disposition des enfants
Ainsi, il semblerait bénéfique de laisser de temps en temps les enfants dans une pièce totalement vide afin qu’ils apprennent à se laisser aller, ralentir dans une vie où tout va très vite et comprendre leur monde intérieur. Mettre en place ces ateliers dans les crèches, permettrait de rendre les enfants bien plus apaisés, et par la même occasion l’équipe pluridisciplinaire. Ce retour en arrière nous incite à réfléchir sur l’importance des jouets – sont-ils obligatoires dans le développement de l’enfant ? Comme le prône Maria Montessori, l’enfant est justement capable de se rendre compte des choses et d’apprendre par lui-même. Alors pourquoi pas se lancer et proposer le temps de quelques instants une atmosphère simple, vide de toutes attractions ?